Comment un groupe de Lamas Nyingmapas m’a suivie pour un trek en montagne puis j’ai été frappée par un célèbre oracle bouddhiste possédé en Arunachal Pradesh.
Mes voyages sont toujours très riches en émotions et belles rencontres et j’en garde d’excellents souvenirs.
Mais une fois n’est pas coutume, dans cet article, je vais vous raconter la plus terrifiante de mes anecdotes insolites.
Mon dernier voyage en Inde, de janvier à avril 2018, a particulièrement été marquant, avec la rencontre d’un célèbre oracle bouddhiste en transe en Arunachal Pradesh et l’immiscion dans un problème lié au conflit naxalite au Bastar, que je vous raconterai dans un autre article.
Rassurez-vous, toutes ces mésaventures se sont bien terminées et comme souvent les locaux se sont assurés que les moments suivants soient particulièrement positifs. Mais je dois vous l’avouer, ma rencontre avec l’oracle bouddhiste à Dirang a été l’expérience la plus terrifiante et marquante de toute ma vie.
Sommaire de l’article – L’Oracle Bouddhiste de Dirang.
Le peuple Monpa de Dirang Dzong.
Ce jour-là, j’étais partie à la découverte de Dirang Dzong, le fort de Dirang.
Le village, au milieu des montagnes de l’Himalaya, est esssentiellement peuplé de Monpas, un groupe ethnique proche des Tibétains.
Le peuple Monpa était les dirigeants du royaume nomade Monyul, entre 500 avant JC et 600 après JC. A la disparition de leur royaume, il passa sous la suzeraineté du Tibet mais créa quelques chefferies, dont le fort de Dirang est un des plus importants vestiges.
J’avais flané au milieu des anciennes maisons en pierre, des monastères et murs de prière, été invitée à boire un thé au beurre de yacks et j’avais fini par un trek à la découverte des monastères et vestiges bouddhistes… avec un groupe de Lamas du courant Nyingmapa !
Ma rencontre avec un groupe de moines tibétains du courant Nyingmapa.
Alors que je visitais le premier monastère perché dans la montagne, le Maître des lieux m’avait invitée à partager un thé en compagnie de ses amis. Ceux-ci m’avaient expliqué venir de divers pays asiatiques pour suivre l’enseignement Nyingmapa du plus grand monastère de la secte, dans le Karnataka. La plupart d’entre eux étaient déjà des Lamas confirmés, des Maîtres spirituels pouvant enseigner le bouddhisme Nyingma. Très vite, nous avions sympathisé et ils avaient décidé de me suivre plus haut dans la montagne, à la découverte d’un autre monastère et de vestiges.
Nous avions notamment visité le lieu de naissance d’un des plus importants Lamas de la lignée. Alors que nous étions dans la salle de prière la plus ancienne, décorée de tentures et statues antiques et simplement éclairée de nos bougies, les Lamas s’étaient mis à psalmodier des sûtras. Leurs chants de gorge étaient encore plus impressionnants dans cette atmosphère particulière…
Le Bouddhisme Nyingmapa ou Nyingma.
Avant cette rencontre, je ne connaissais que le courant Gelugpa, celui des Bonnets Jaunes dont fait partie Sa Sainteté le Dalaï Lama.
J’avais pu visiter certains des principaux monastères de la secte dans l’ancienne province tibétaine de l’Amdo, en Chine, et c’était resté un de mes meilleurs souvenirs de voyage.
On peut aussi trouver les Nyingmapas en Chine, dans l’ancienne province tibétaine voisine du Kham.
Le courant Nyingmapa est le plus ancien du Bouddhisme tibétain. Ses adeptes sont aussi appelés Bonnets Rouges.
C’est le courant le plus tourné vers l’ésotérisme du tantrisme, donnant un rôle primordial à Padmashambava, considéré comme le second Bouddha, à la dévotion envers le Maître, à la doctrine de la folle sagesse et aux divinités courroucées.
Lors de notre visite du lieu de naissance du célèbre Maître, ces divinités étaient cachées derrière des tentures et les Lamas m’avaient expliqué qu’on n’est pas sensé les regarder. J’avais pu aussi voir à un autre endroit les phallus que l’on retrouve également au Bouthan où le courant Nyingmapa est très présent.
Le côté ésotérique du Bouddhisme Nyingmapa fait que le courant a souvent été vu avec suspiscion. Les Dalaïs Lamas qui avaient un Maître Nyingmapa pour la pratique du dzogchen ou « grande plénitude » le faisaient le plus souvent en secret.
L’oracle bouddhiste tibétain de Dirang.
En marchant sur le chemin de retour vers ma homestay, j’étais envahie d’un profond sentiment de sérénité. Depuis ma rencontre avec Nyne Chang et les moines birmans de Mae Sot, j’aime ces moments privilégiés avec les moines bouddhistes.
J’étais loin d’être préparée à ce qui m’attendait !
Dans le monastère proche de ma guesthouse, une grande agitation régnait et je décidais d’aller voir ce qui se passait.
Un moine m’expliqua qu’une importante cérémonie religieuse débuterait dans un instant. Je décidais donc de rester…
Juste avant que la cérémonie ne débute, on m’expliqua que les photos étaient interdites.
J’assistais donc à l’habillage d’un homme par deux moines. Quelqu’un m’expliqua que seul cet homme, un laïc, pouvait porter cette tenue particulière, mais je ne comprenais toujours pas ce qui allait se passer ni qui il était…
Une première transe.
L’homme s’installe sur le trône et les moines commencent à psalmodier des sûtras et jouer de leur longue trompe tibétaine ou des percussions. L’atmosphère devient très particulière…
Nous sommes tous assis face à l’homme sur son trône. Il commence à s’agiter. Il est de plus en plus nerveux.
Soudain, son corps est pris de convulsions. Il s’affale, inconscient.
Des moines se précipitent et recouvre sa tête de la coiffe dorée. L’homme se redresse et pointe son épée sur la foule. Il appelle un premier élu. La tension est palpable…
Je ne comprends pas vraiment ce qui se passe. Un à un, les élus s’asseyent face à l’homme, qui les regarde intensément. Au bout d’un moment, il les invite à partir s’asseoir dans la foule ou à quitter la salle. Les moines guident les gestes des dévots maladroits.
Soudain, l’homme se lève, virevolte et bat l’air frénétiquement avec son épée. Un murmure s’élève dans la foule, tout le monde se lève et s’enfuit à l’extérieur.
Alors que je suis sous le choc de ce à quoi j’ai assisté, un fidèle m’explique. Cet homme est un laïc très important dans la hiérachie Nyingmapa. Il vient d’être possédé par un premier esprit. Les suivants vont se succéder, prenant possession de son corps un à un. Il m’invite à retourner dans la pièce pour assister à la seconde transe.
Je viens de rencontrer un oracle bouddhiste…
Après le partage de ma vidéo sur YouTube, j’ai même appris qu’il s’agit d’un célèbre Oracle, protecteur du Dharma, Gyalchen Karma Thinley.
Pour en savoir plus sur les divinations des oracles, vous pouvez lire cet article de Wikipédia.
Appelée par l’Oracle.
Nous revoilà assis sur les tapis. La musique a repris.
Je la trouve encore plus intense.
Je ressens les vibrations des trompes tibétaines, le dung chen et le ragdong, dans tout mon corps. Mon coeur semble prêt à exploser.
L’oracle tombe peu à peu sous l’emprise de la transe. A nouveau, on lui met la coiffe et il commence à choisir les élus.
Je tremble, partagée entre la curiosité de vivre pleinement ce moment et la peur que le regard de cet homme m’inspire.
L’épée pointe dans ma direction. Il y a plein de gens autour de moi mais je sais bien que cette fois je suis l’élue…
Je m’approche, tentant d’adopter l’attitude la plus respectueuse possible. Je m’assieds face à l’oracle. Son regard me transperce. Il ne cesse de me fixer de son regard intense.
Je trouve le moment gênant. Dois-je continuer à le fixer dans les yeux moi aussi ou dois-je baisser les yeux en signe de respect ?
J’opte pour la 2ème option et reçoit très vite un coup d’épée sur la joue qui me fait redresser la tête et les yeux. J’ai ma réponse !
A nouveau, je dois le fixer dans les yeux. Les minutes se succèdent, interminables.
Enfin, il tourne les yeux pour fixer un autre élu. Je me détends un peu mais pas pour très longtemps…
La possession transforme le visage du médium, le traversant de rictus angoissants. Il pousse parfois de petits cris.
Je suis là, face à lui, me demandant de quoi il est capable. Sa transe est loin d’être feinte.
Tout à coup, il se met à donner de violents coups de poing sur son nez !
Il porte une énorme bague à la main et très vite le sang se met à couler.
Je le regarde, sidérée.
Les coups de poing se succèdent.
Le sang coule de plus en plus.
L’oracle récolte le sang dans ses mains et s’en recouvre frénétiquement tout le visage avant de tourner brusquement la tête vers moi et de me fixer à nouveau dans les yeux.
Je suis… TERRORISEE !!!
Je m’efforce de soutenir son regard tout en me disant que ma terreur doit se lire dans mes yeux et sur mon visage.
Soudain, c’est la délivrance.
L’oracle me fait enfin signe de retourner à ma place…
Les serpents.
Les élus et les transes se succèdent. Pour la dernière, j’ai préféré rester dehors en attendant le « final » qui doit avoir lieu dans la cour.
Un jeune Monpa m’explique ce qui va se passer et me met en garde.
Je ne dois surtout pas filmer ou photographier sous peine d’énerver l’esprit et de me faire violemment attaquer.
Ce garçon, qui doit mesurer dans les 1m90, est lui-même peu rassuré.
Lors de la dernière cérémonie, il a été violemment battu et il en conserve des douleurs à la colonne vertébrale. Cette fois, il a décidé de ne pas entrer dans la salle du monastère.
Il m’explique qu’être battu par l’homme est une très bonne chose car cela permet d’écarter les obstacles auxquels il aurait dû faire face dans sa vie.
Je lui dis que j’ai moi-même été appelée et que j’ai reçu un coup d’épée.
D’après lui, on est choisi pour deux raisons principales : soit parce qu’on a commis beaucoup de péchés et qu’on a besoin d’en être purifié, soit parce qu’on a traversé de durs moments et qu’on a besoin d’être vidé de ce poids…
L’oracle sort enfin et le jeune homme me dit de me cacher dans la foule. Il a tellement peur qu’il passe son temps à s’enfuir pour ne pas être battu.
Nous nous sommes réfugiés derrière la foule et on nous apprend que l’homme va attraper et tuer 3 serpents.
J’ai du mal à résister à l’envie de filmer et le jeune homme me dit très honnêtement « je pourrais filmer pour toi mais j’ai trop peur ».
Alors que j’essaie de voir à travers la foule, j’aperçois un serpent s’agitant dans la bouche de l’homme.
Cette fois je ne résiste plus et je prends quelques clichés de l’oracle remettant le serpent à un des Lamas, sûrement le Maître du monastère.
Le processus est toujours le même : le médium trouve le serpent, il se promène avec la bête frétillant dans sa bouche, il le remet au Lama qui l’observe, il le récupère et le jette dans le feu.
Le jeune Monpa m’explique que les serpents sont venus autour du monastère pour symboliser les obstacles et épreuves qu’aurait dû endurer le village. En les attrapant et brûlant, l’oracle écarte ces obstacles.
Vidéo de la fin de transe de l’Oracle bouddhiste.
Les témoins étrangers des transes des oracles rapportent tous la même chose : à la fin de la transe, l’oracle perd connaissance et tombe au sol.
Dans ma vidéo, on le voit remettre le serpent au Lama, l’examiner avec lui, le reprendre puis le jeter dans le feu. J’ai ensuite pu capter sa dernière danse hypnotique et sa chute. Pas facile quand on sait que je filmais bras tendu cachée derrière la foule…
Conclusion – l’Oracle Bouddhiste de Dirang.
Bien que je sois souvent particulièrement chanceuse en voyage et arrive par hasard dans des moments clés de la vie locale, cette rencontre avec l’oracle bouddhiste à Dirang a été un moment particulièrement incroyable.
En observant sa transe, je n’arrêtais pas de me dire que oui, j’y étais vraiment et que je ne regardais pas un documentaire télévisé. Pour être tout à fait honnête, je ne suis toujours pas totalement remise de cette rencontre !
Les clés pour être aussi chanceuse ? Prendre son temps, se montrer curieuse, ne pas avoir peur de marcher plutôt que de prendre les transports, oser s’approcher des animations, sourire aux locaux, leur parler, se montrer sûre de soi.
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