Comment découvrir la Thaïlande hors des sentiers battus à Mae Sot

Comment j’ai passé deux semaines avec un groupe de moines birmans à Mae Sot Thaïlande, à la frontière birmane, pendant une crémation bouddhiste majeure.

En mars 2009, je visitais la Thaïlande.

Au bout d’une semaine, j’atteignais Mae Sot, à la frontière birmane. J’avais très envie de découvrir la ville avant de poursuivre plus au nord en longeant la frontière birmane et la rivière Moei. Mon National Geographic indiquait que la ville était rarement visitée et je voulais voir un des nombreux temples d’inspiration birmane.

J’avais hâte de me rendre au marché frontalier, avant d’emprunter cette route peu fréquentée.

J’étais bien loin d’imaginer ce qui m’attendait puisque je suis arrivée deux jours avant une incroyable cérémonie funéraire bouddhiste programmée depuis 6 ans…


Dans cet article, vous découvrirez :

  • La ville de Mae Sot
  • Comment j’ai rencontré mon ami moine Nyne Chang et un moine ivre
  • Le Moei Market
  • Les rites funéraires pour les moines en Thaïlande
  • La fierté des moines birmans de l’Arakan

Article mis à jour le 7/02/2024

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Le saviez-vous ?

Pour pouvoir voyager en Thaïlande, il n’est pas obligatoire de souscrire une assurance voyage, couvrant vos éventuels frais médicaux. Le pays étudie cependant la mise en place d’une telle obligation. Il est donc nécessaire de se renseigner au moment de votre départ pour être sûr d’être en règle.

Il est de toute façon recommandé d’en souscrire une ! Les accidents de la route – 75% des accidents mortels ont lieu en scooter – mais aussi en bus et en voiture, vu le non respect des règles et limitations de vitesse, sont fréquents. Les factures de frais médicaux et hospitalisations, voire rapatriement, peuvent grimper très très vite et atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros. Vous ne serez pas opéré en Thaïlande si vous n’avez pas d’assurance et ne pouvez pas régler les frais. L’ambassade n’avancera pas non plus les frais…

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La ville frontière de Mae Sot, dans le Nord Ouest de la Thaïlande.

Je finis la route au fond d’un minibus bondé.

Elle est magnifique : maisons sur pilotis, réserves et villages de montagne; je ne suis pas pressée d’arriver.

Le bus me dépose finalement sur une place en plein centre de Mae Sot. Pas facile de se repérer sans avoir une carte de la ville et sans savoir où se trouvent les guesthouses.

Après une première visite décevante, j’entre dans un bar qui propose des chambres. Deux occidentaux jouent au billard et j’en profite pour les questionner sur les hébergements : celui qu’on vient de me faire visiter est particulièrement glauque et jouxte un temple où se préparent de longues festivités bruyantes; étrange, j’ai dû mal comprendre…

Grâce à leurs recommandations, je découvre la Banthaï Guesthouse, un endroit charmant dans un jardin tropical très bien entretenu. J’opte pour un beau bungalow en bois, doté d’une grande chambre, d’une salle de bains spacieuse et impeccable et d’une belle terrasse privative, sans chercher à négocier les 550 baths (environ 11€) que m’en demande le propriétaire. 

Je fais une agréable promenade à proximité du grand temple où auront lieu les festivités. Un gigantesque temple en papier a été dressé dans une des cours et je me demande à quoi il va servir. Un peu plus loin, les attractions d’une fête foraine, un ring et une estrade ont été installés. Etrange pour un temple…

Tout en me promenant, j’admire la beauté des petits Birmans. La population de la ville est en effet constituée de différentes ethnies : Thaïs, Birmans, Chinois, tribus de minorités comme les Karen et les Hmong se côtoient dans une ambiance décontractée, malgré les épreuves qu’ils ont dû traverser. Certains d’entre eux arborent le traditionnel thanaka, une poudre jaune, ajoutant une touche de mystère à leur beau visage. De petits moines à la robe orange vif rient aux éclats et jouent avec leurs camarades en civil. Je me laisse doucement séduire par le charme nonchalant de cette bourgade et de sa population accueillante.

Jeune garçon de Birmanie avec du thanaka sur les joues et le front

Rencontre avec le moine birman Nyne Chang et un moine thaï… ivre !

Le soir, je fais un détour par le temple de papier, cette fois illuminé, avant d’aller dîner. Je retrouve certains des enfants, qui s’empressent de faire des démonstrations de combats à l’épée devant mon objectif. Quand je leur montre les photos et vidéos que je viens de prendre, leur plaisir éclate bruyamment.

Je les laisse à leur jeu et m’installe à une terrasse tranquille. Rapidement, je suis rejointe par un jeune Birman, qui me propose de m’installer à sa table pour discuter. Il s’appelle Ni et me raconte avoir vécu 20 ans aux Etats-Unis. Très vite, je suis agacée par son attitude et ses idées. C’est un adepte de la globalisation et il prétend qu’il saurait diriger le monde mieux que quiconque. Selon lui, les touristes devraient se comporter à l’étranger comme chez eux, pour enseigner leurs propres coutumes… Profitant d’une parole malheureuse de sa part (« si nous passons la nuit ensemble » que je rectifie d’un « la soirée »), il me cingle d’un : « de toutes façons, ça m’est égal que tu te ne me comprennes pas ».

Pour couper court et tenter de me débarrasser de lui, je prétexte vouloir retourner au temple de papier. Il se propose de m’y accompagner sur son scooter. Quand nous arrivons, tout est calme. Le temple luit toujours aussi intensément. Deux moines sont tranquillement installés sur des chaises, profitant de cette douce chaleur tropicale et du chant des cigales.

Le plus jeune échange quelques mots en birman avec Ni. Il lui explique qu’ils ont dressé ce temple pour sept jours et sept nuits de festivités. Il nous propose de revenir le lendemain matin afin de voir le corps du moine exposé depuis six ans dans le temple. Je ne comprends pas tout ce que me traduit Ni, et je commence à fortement douter qu’il ait vécu aux Etats-Unis. Six ans, six mois ? Quel est le rapport entre ce moine décédé et ces festivités ?

Le jeune moine ne me quitte pas des yeux, guettant la moindre de mes réactions. Il tente de m’expliquer par quelques mots d’anglais. Il insiste : « Les poils et les cheveux de ce moine continuent à pousser. C’est exceptionnel et uniquement parce que c’était un leader. » Il sourit et on peut lire dans la douceur de son regard la sérénité et la sagesse qui l’habitent.

Soudain, l’autre moine se lève et s’empare de mon appareil photos. Il souhaite photographier le temple illuminé, mais il a du mal à stabiliser ses mouvements : il est totalement ivre !!! Je n’aime pas sa façon de me regarder et de s’approcher si près de moi. Sans se départir de son sourire, le jeune moine explique à Ni que l’autre moine veut discuter en tête à tête avec moi. Je m’exclame : « Pourquoi veut-il discuter avec moi ? C’est un moine ! » Le jeune moine éclate de rire pendant que Ni me rétorque que la décision m’appartient. Je refuse, nous remontons sur le scooter et Ni échange à nouveau quelques mots avec le moine, tout en posant sa main sur ma cuisse. Décidément, ce garçon a le don de m’agacer et une bien drôle de façon de draguer… Il me propose de revenir ensemble le lendemain. Je lui explique que je ne sais pas ce que je ferai le lendemain et qu’on se croisera peut-être au temple. M’en voilà définitivement débarrassée !

Lire plus : Mes conseils pour voyager seule et vous débarrasser des dragueurs en voyage.

Temple grandeur nature en papier peint en jaune bleu et orange dans lequel la crémation aura lieu

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Le Moei market de Mae Sot et Myawaddy.

Je me dirige vers le marché pour prendre un minibus pour le Moei market, le marché frontalier à quelques kilomètres de Mae Sot.

Comme je ne trouve pas l’arrêt, je m’adresse à une boutique. Un des clients me propose de m’y emmener dans son véhicule. Il s’agit d’un policier de patrouille de Bangkok, qui fait gentiment l’aller retour pour m’y conduire.

En face de moi, le long pont de l’Amitié mène à la Birmanie voisine. Je longe le grillage et me retrouve face à la rivière Moei, le « point le plus à l’Ouest ». La Birmanie étant juste de l’autre côté de la Moei, des militaires et des policiers patrouillent aux abords du marché, le coin étant malheureusement aussi réputé pour ses commerces illégaux et son trafic de drogue.

Je me promène dans la partie couverte, mais les appareils électroniques, les bijoux de pacotille et les étals chargés de biens de consommation modernes me font oublier l’attrait des pierres précieuses, des bois sculptés et des habits traditionnels. Rien ne m’attire dans cette partie, tant j’ai le sentiment que tout est contrefait et rongé par la modernité galopante.

Un peu plus loin, j’arrive à la partie traditionnelle du marché. Les étals y sont le plus souvent installés à même le sol en terre. Les marches sont remplacées par de gros sacs plastique remplis de sable. Les échoppes sont constituées de tout ce que leur propriétaire a pu récupérer : plastique, ferraille, bois, tissu.

Ici, c’est le système D qui prédomine.

Des étals de magnifiques orchidées côtoient ceux de poissons séchés, d’objets de récupération, de vêtements usagés… Dans ce lieu, les sourires illuminent les visages fardés, les éclats de rire fusent, les vêtements sont colorés, les Birmans se regardent, se parlent, chahutent, me saluent; tout le contraire de la partie moderne…

Je m’imprègne de l’atmosphère, mais je ne peux la quitter des yeux, l’inaccessible… Elle semble si belle avec ses hautes montagnes, ses pagodes, sa végétation luxuriante et ses maisons traditionnelles. Seule la rivière nous sépare et je décide de la longer au-delà du marché. Je l’observe, j’essaie de deviner ses secrets. J’envie ses habitants qui en viennent ou y retournent, sur une barque ou un simple pneu, échangeant les marchandises d’une frontière à l’autre. Il parait que le pont est parfois fermé; mais comment la frontière pourrait-elle être hermétique quand il suffit d’un simple pneu… Je longe des bungalows sur pilotis, murs de bois et toits de feuilles mortes. Le temps ici semble s’être arrêté. Des enfants jouent aux grands avec les filets de pêche, d’autres se baignent. Qu’il est bon de flâner !

Je rebrousse chemin, retraversant le marché coloré et la longeant de l’autre côté. Elle est envoûtante, et je ne la quitte des yeux que pour saluer et admirer les beaux visages que je croise. Des bandes d’adolescents se promènent tranquillement, abrités de parapluies colorés. Ils sont surpris de me voir là, me demandent où je vais. Quelques habitations constituent une sorte de bidonville, où les habitants sont étonnés et heureux de me voir. Le chemin s’arrête, il est temps de rentrer et de lui dire au revoir. « Bye bye, envoûtante Birmanie »…

Au retour, je m’aperçois que le bidonville est en fait un camp de réfugiés birmans, « temporaire » comme les Thaïlandais se plaisent à dire… Aucun des policiers ou militaires n’a sourcillé en me voyant en revenir, tout comme ils étaient restés impassibles en me voyant m’aventurer au bord de la rivière. Ici, point de barbelés ou de barreaux de prison. Ici… De ce côté de la frontière…

Je grimpe dans un songtaew, une de ces camionnettes-taxis collectifs. Un enfant et son papa m’emboîtent le pas. Tous les occupants semblent sous leur charme, ils sont d’une beauté et d’une douceur à couper le souffle. Je n’ose photographier que le garçon, radieux qu’on le trouve si beau.

Des vendeuses Birmanes portant le thanaka sur le marché transfrontalier ThaIlande Birmanie à Mae Sot

Un corps conservé pendant 6 ans dans une boite en verre.

Je décide de retourner au temple de la veille et revoit le jeune moine sympathique.

Il me mène à la pièce dans laquelle repose le moine décédé et me confirme que j’ai bien compris : voilà six ans qu’il est mort et conservé dans une boîte en verre en attente de cette cérémonie funéraire. « Ses poils et ses cheveux continuent à pousser, c’est exceptionnel tu sais. »

Le corps a été badigeonné d’une peinture dorée, pour cacher le début de décomposition. Mon guide m’invite à prendre une photo : « no problem, go go! » Je ne peux pas refuser devant son insistance souriante. Il est manifestement très fier de me faire découvrir sa culture et attend avec impatience le début des festivités. « Viens demain, on va mettre le corps dans le temple en papier et prier ». Je ne raterais ça sous aucun prétexte !

Je me laisse à nouveau envahir par l’ambiance nonchalante de la ville, et termine la journée en profitant de ma jolie terrasse et en visitant les temples de la ville. Dans certains, le orange a cédé la place au safran, la couleur des robes des moines birmans.

Je me régale du spectacle de jeunes Birmans drapés de batik, faisant des offrandes et priant devant des statues de Bouddha.

Ailleurs, c’est le dieu des Hindous, Ganesh, qui est mis à l’honneur. Je croise justement le chemin d’un jeune éléphanteau affectueux, et de son kornak peu agréable et violent. Il est clair que la pauvre bête est nourri uniquement pour que son maître en tire profit en quémandant de l’argent…

La ville regorge de temples et sanctuaires joliment entretenus et décorés, et je ne résiste pas à l’envie de tout photographier. Puis le soir elle se drape d’un joli habit coloré, et c’est justement le kitsch de ses lumières et de ses monuments qui donne autant de charme à certains paysages thaïs.

Au Wat (temple) Aran Ya Khet, le char surmonté d’un phénix, l’oiseau qui renaît de ses cendres, clignote de mille feux, attendant de servir de corbillard pendant les festivités…

Le moine conservé pendant 6 ans dans une boite en verre avant sa crémation

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7 jours et 7 nuits de festivités au temple.

Le lendemain, je me rends directement au temple. J’y arrive à la fin de la première prière.

Les laïcs sont vêtus de blanc, la couleur du deuil en Asie. Quelques femmes portent des robes de cérémonie colorées et une écharpe blanche. Je me demande qui elles peuvent être…

Des tables ont été installées un peu partout, et tout le monde s’attable pour partager un copieux petit-déjeuner. Les femmes ont ramené de jolis récipients argentés, qui contiennent les mets variés qu’elles ont préparés pour tout le monde.

J’assiste, parfois amusée, aux derniers préparatifs. Voyant que je prends des photos, un moine jusque là inactif prend la place d’un enfant d’un air nonchalant, et se met à poser pour ma photo.

La présence de la seule touriste n’est pas passée inaperçue, et un vieux monsieur m’apporte de la glace accompagnée d’un peu de brioche. Du riz semble être tombé dedans. Je goûte : quelle surprise, je déguste une délicieuse glace au riz !

Il est temps de retourner prier.

Des hommes et des femmes s’installent sur des tapis séparés à l’intérieur de la pièce principale du temple, pendant que d’autres sont sur des chaises ou bancs à l’extérieur.

Les moines sont installés sur leur fauteuil en bois, derrière lesquels sont dressés des sortes d’éventail. Il s’agit en fait de récompenses remises par le Roi à l’occasion de leur ascension dans la hiérarchie monacale. Certains entonnent des litanies, pendant que d’autres en profitent pour… envoyer des SMS !!!

Un groupe de laïcs se lèvent pour préparer les fleurs qui seront jetées sur le char.

Les moines se recueillent une dernière fois devant le corps, puis c’est le moment de le sortir du temple.

Les moines soulèvent et hissent la boîte sur le char. Un long tissu blanc y est attaché. Les laïcs se mettent en place pour la procession, tenant chacun un bout du tissu. Les moines se positionnent devant eux, et un groupe de vieux messieurs ouvre la marche.

La sortie se fait par l’enceinte principale du temple. Ils en font le tour, avant de se diriger vers le temple de papier. Les moines installent la boîte à l’intérieur, et la plupart s’en vont, laissant place aux femmes en tenue de cérémonie. Il s’agit en fait de danseuses, rendant honneur à leur ancien « leader ».

Les danses terminées, je discute avec un homme qui m’explique que leur leader est décédé dans un accident de voiture à l’âge de 63 ans : il conduisait trop vite…

Son importance tient au fait qu’il resta moine pendant 34 ans, après avoir quitté femme et enfants à 29 ans.

Des femmes m’apportent de la nourriture qu’elles ont préparées. Je mange et bois avec angoisse pour mon estomac et un peu à contre-coeur, une salade de choux froide, poisson fumé et de sésame, arrosée d’un verre de ginseng glacé.

Alors que je m’en vais, je suis interpelée d’un « Hé, you ! ». C’est le jeune moine, qui me fait visiter les différentes attractions : la fête foraine, le ring de boxe thaïe, le podium de danse, la scène du spectacle de danse… Tout cela dans l’enceinte du temple !

Le soir, je décide d’assister au spectacle de danse birmane organisé au temple.

L’attente est longue, et les figurants me proposent de m’installer dans les coulisses. Je décline heureusement leur invitation : alors que je m’attends à un spectacle traditionnel, des hommes et des femmes dans d’étranges robes colorées gesticulent dans tous les sens; puis vient le tour des chanteurs, qui se succèdent, et à qui le public apporte des roses. C’est décidé : si un troisième chanteur arrive, je m’enfuis !

Je fais le tour des différentes attractions. Il y a beaucoup de monde partout, et plein de petits stands de nourriture, boissons et souvenirs.

Du côté du stand de boxe, des moines assistent au spectacle.

A quelques mètres, le podium de danse crache ses décibelles pendant que de jeunes filles en mini-jupe et ample décolleté se trémoussent de façon très suggestives.

Nous sommes bien dans un temple, welcome to Thailand!

Une fois encore, alors que je suis sur le point de rentrer, je retrouve le jeune moine et ses amis. Nous assistons distraitement à la suite du spectacle burlesque tout en discutant.

« Veux-tu boire un café? » Okay, pourquoi pas. Avec tous ces stands, nous n’avons que l’embarras du choix j’imagine…

Je suis le petit groupe de moines aux robes oranges. Nous nous dirigeons vers la deuxième cour du temple et les voilà qui entrent dans une cellule de moines. Je n’ose pas les suivre, je suis une femme, ce sont des moines… « Enlève tes chaussures et entre, assieds-toi sur le tapis ». Le moment me paraît totalement surréaliste !

Mon guide improvisé s’appelle Nyne Chang, et il est Birman. Pour les Thaïlandais, il a adopté le prénom d’un ancien Roi thaïlandais, U Thong.

Nous discutons et écrivons pendant des heures. Nyne chang et ses amis sont très curieux de mes voyages et ne cessent de me poser des questions sur la Chine, les moines chinois et les Lamas tibétains. En échange, ils me parlent de leur pays, la Birmanie, qu’ils adorent malgré les problèmes politiques, de leur religion et leurs croyances. Nyne chang me montre avec fierté ses robes safran « c’est très cher ces tissus tu sais, bien plus que les robes oranges ».

Quelle chance j’ai eue de les rencontrer et d’être acceptée avec autant de bonté !

Danseuses portant une veste rose bonbon, un batik noir et rose et des ongles longs dorés
Le moine birman Nyne Chang et son ami Pyna Wan Tha dans une cellule de moine

Pour mieux revenir…

A 7 heures, je me rends au marché.

J’espère pouvoir y prendre quelques jolis clichés de scènes de vie et de tenues traditionnelles.

Les étals explosent de couleurs : le vert des tortues de Floride à déguster, les ocres des épices, le vert et le rouge des légumes frais, le jaune et le orange des fruits, les colliers d’offrande, les fleurs, la viande, les poissons de toutes les formes, frais ou séchés, les filets de crapauds, les originaux balais thaïs… Les femmes vêtues de batiks colorés portent de lourdes charges sur leur tête, pendant que les moines aux robes oranges ou marrons et les nonnes aux robes rose clair mendient leur nourriture ou se promènent sous leurs ombrelles marrons.

Je me promène longuement, avant d’aller au temple saluer Nyne Chang.

Il est surpris de me voir partir dès le deuxième jour des festivités : « c’est dommage, tu ne seras pas là pour la crémation, c’est un grand évènement intéressant ». Je n’en doute pas et, même si j’apprécie l’originalité de découvrir cette culture inconnue en discutant avec ces moines, j’ai fait le tour de cette petite ville frontalière et la cérémonie funéraire n’est que dans 6 jours.

Sur le chemin de la gare routière, on m’interpelle d’un « hello, temple ! » C’est le vieux monsieur à la glace au riz qui passe sur un scooter. Les Birmans sont décidément très attachants, et c’est le coeur gros que je quitte la ville…

Je m’installe du côté gauche d’une camionnette orange (200 baths, soit environ 4€) : un jeune homme m’a parlé d’un village à quelques kilomètres, que je ne dois pas rater.

Ma première étape, Mae Sariang, se trouve à sept heures de là. La route de montagne longe la frontière birmane, à travers un paysage qui a conservé toute son authenticité. Les maisons des villages sont faites de minces planches de bois, de tiges de roseaux et leurs toits sont en feuilles séchés. Des pagodes sont perdues en pleine nature. Notre songtaew ne cesse de s’arrêter au milieu de nulle part pour embarquer ou débarquer ses passagers, dont la plupart sont vêtus de vêtements traditionnels.

Nous nous arrêtons dans un village qui constraste avec ceux des tribus que nous avons dépassés jusqu’à présent. Les riches demeures sont faites de bois de teck vernis et les jardins privés sont remplis de fleurs. Ici, la route est bitumée, mais les drapeaux thaïs et birmans continuent à orner les maisons. Si nous nous arrêtons ici, c’est que nous avons crevé, et j’en profite pour me dégourdir les jambes, tout en prenant quelques photos.

Notre camionnette ne cesse de se remplir. Bientôt, des jeunes se tiennent debout sur la marche arrière, et d’autres s’accroupissent au milieu de nous. Notre chauffeur ne cesse de s’arrêter partout, négociant quelques achats au bord de la route, ou simplement discutant tranquillement. Certains passagers observent mes réactions et s’amusent beaucoup de me voir descendre lors d’une halte pour soulager la douleur… de mes fesses !

Après sept heures de spectacle permanent, je suis la dernière à être déposée à la gare routière de Mae Sariang. Je m’installe au River House, une bâtisse en teck dont les balcons donnent sur la rivière Salawin et la forêt. Même si le lieu ne manque pas de charme, je suis surprise d’y payer le même prix que pour mon joli bungalow de Mae Sot.

Je suis invitée par des Suisses à partager une bière. L’un d’eux vit à Chiang Maï, et fait découvrir la région en moto à ses amis. Il me conseille de poursuivre dès le lendemain vers Mae Hong Son, Mae Sariang ayant peu d’intérêt selon lui. Le temps maussade me fait suivre son avis, et puis j’ai pris ma décision : il existe des bus entre Chiang Maï et Mae Sot. J’ai très envie d’assister à la crémation et revoir Nyne Chang et ses amis.

Je mange un pad thaï assez quelconque sur la terrasse face à la rivière. Ce périple m’a épuisée…

Piments colorés, petit pois et gingembre sur un étal du marché

La crémation bouddhiste de Mae Sot.

Après quelques jours à Mae Hong Son et Chiang Mai, me voilà de retour à Mae Sot et à la Ban Thai guesthouse.

Je regrette de ne pas retrouver mon grand bungalow, mais le nouveau est également spacieux et possède un charme différent. Bien sûr, le prix est légèrement inférieur, mais même le double ne m’avait pas coûté bien cher…

Aussitôt installée, je suis impatiente de retrouver le temple et ses moines birmans.

Nyne Chang m’accueille d’un grand rire surpris, il est manifestement aussi heureux que moi de me revoir et de pouvoir reprendre nos discussions sur la culture de nos deux pays. Il me montre fièrement l’ordinateur qu’il a pu acquérir grâce à ses économies et au billet que je lui avais donné avant de partir.

Parfois, d’autres moines entrent dans sa cellule, échangent quelques mots avec lui en me regardant bizarrement, puis ressortent. Je sens un certain malaise planer et j’interroge Nyne Chang, y aurait-il un problème parce que je suis là ? « Ne t’inquiète pas, pas de problème ».

Nous passons deux heures de discussion intense avant mon dîner à la Casa Mia, je retrouve déjà mes habitudes !

Le temple est de plus en plus animé. Les fidèles de toute la région sont arrivés pour rendre un dernier hommage à leur ancien leader et assister à la cérémonie funéraire le lendemain soir. Je passe un petit moment dans le cybercafé proche de la Ban Thai avant de retourner m’imprégner de l’ambiance à la fois festive, survoltée, et pleine de ferveur.

Alors que je m’apprête à rentrer, Nyne Chang m’interpèle. Il me fait patienter pendant qu’il finit sa conversation téléphonique avec sa soeur qui habite Bangkok, puis nous assistons à une partie du spectacle de danse birmane. Les chanteurs kitsch ont cédé la place aux acrobates humoristes, en fait des sortes de clowns birmans sans nez rouge et aux tenues étranges, réalisant d’impressionnantes cascades.

Après un moment, nous rejoignons un des amis de Nyne Chang dans la cellule du moine.

Il est birman et vit à Myawaddy, la ville de l’autre côté de la rivière Moei, côté birman. Nyne Chang et les autres se moquent gentiment de lui. Ils m’expliquent qu’il est terrorisé à l’idée de sortir, y compris aux abords du temple : « c’est très dangereux ici tu sais » me dit-il alors que les autres éclatent de rire.

Je ris bientôt en leur compagnie en entendant toutes ses questions et ses étonnements dans un anglais approximatif : « Wow, you’re so big ! » (tu es si grande / âgée) s’exclame t’il quand je lui dis mon âge; « Why are you so small ? European people are very high and big normally » (pourquoi es-tu si petite ? Les Européens sont très grands et gros normalement).

Nyne Chang, souvent hilare, écoute mes réponses avec attention et ne pose aucune question personnelle, gardant la distance seyant à son statut de moine.

Le jour que tout le monde attendait avec impatience est enfin arrivé, ce soir la crémation aura lieu.

Pour cette dernière journée, j’ai revêtu mon batik d’Indonésie comme tenue de cérémonie.

Je commence par me rendre au marché, espérant y trouver un dictionnaire ou phrasebook de birman ou thaï pour communiquer plus facilement avec mon nouvel ami.

J’en emporte normalement toujours un avec moi, mais cette fois je me suis décidée trop tard sur ma destination et aucun n’était disponible en France. Malheureusement, je ne trouve que des livres d’initiation aux langues étrangères pour les Birmans ou Thaïlandais. Tant pis, nous continuerons à communiquer en anglais ou par écrit !

Après un bref passage au temple où je trouve Nyne Chang très occupé avec les derniers préparatifs, je décide de me promener le long de la rivière. Je m’arrête un long moment au petit temple dont une nonne birmane prend soin. Un groupe d’hommes et de femmes m’y invite en effet à discuter avec eux.

Vers midi je retourne au Wat Aran Ya Khet, le temple de Nyne Chang et de la crémation.

Les danseuses s’adonnent à la dernière séance de photos souvenir après les récompenses offertes par les moines, et l’animateur en profite pour me mitrailler. Je me venge en le photographiant à mon tour. Il est vêtu tout de blanc, la couleur des funérailles dans la plupart des pays d’Asie. Il a en effet un rôle très important à jouer ce soir…

Il m’invite ensuite à rejoindre les autres dans la cour intérieure du temple pour le repas.

De vieilles dames m’offrent d’abord de la salade épicée au crabe. Je n’ai pas pour habitude de faire la difficile, mais ça aurait sans doute été délicieux… si le crabe n’avait pas été écrasé tout entier, carapace comprise ! Comme elles insistent lourdement sur les épices, m’invitant à ne pas finir mon assiette pour ne pas être malade, j’en profite pour ne pas manger mon plat.

Elles m’offrent ensuite des nouilles au poulet et à la noix de coco, puis un bol d’un dessert étrange qui s’avère un vrai délice avec son goût de lait concentré sucré et de noix de coco.

Je passe une grande partie de l’après-midi au temple, admirant la ferveur des fidèles.

Les arbres à billets sont de plus en plus feuillus, et les fils tendus vers le temple en papier n’auront bientôt plus de place pour accueillir les derniers billets.

J’interroge Nyne Chang : « vont-ils brûler l’argent avec le moine ? » Il éclate de rire, l’argent est pour le temple.

Le vieil homme qui m’avait offert la glace au riz au début des festivités m’invite à me recueillir moi aussi devant le moine décédé.

Difficile de se défiler même si je sais que tous les yeux seront rivés sur mes gestes maladroits. J’observe une dernière fois les gestes de mes prédécesseurs puis je me lance en compagnie d’une famille, j’espère naïvement passer inaperçue !

Bien que j’ai déjà réalisé un don pour le temple, je décide d’en refaire un et accroche un billet sur un des fils.

Tout le monde me regarde, essayant de voir la couleur du billet que j’agrafe. Le moine qui tient le micro aujourd’hui interpèle le vieil homme. Ce dernier me demande le montant de mon billet et le moine poursuit triomphalement « 100 baths, thank you ! » pendant que je ne sais plus trop où me mettre.

Vient ensuite le moment de préparer le bûcher. Les fidèles se relaient pour remplir des sceaux de sable et les verser dans le temple de papier.

Les moines sont installés sous les tentes et bénissent les fidèles en recevant leurs offrandes. J’aide un moment à leur distribution, avant d’aller dîner dans un des restaurants du centre. Au menu, poisson chat et jus de fruits à la banane, mangue, ananas et tamarin.

Le moment de la crémation arrive enfin.

Le service d’ordre dépose tout le mobilier, les objets précieux et les fleurs hors du temple.

Les moines se recueillent une dernière fois puis sortent le corps de la boite et le déposent sur la litière. Nyne Chang m’invite à monter sur l’estrade mais le service d’ordre m’en interdit l’accès.

Je confie mon appareil photo à mon ami. Il est aux premières loges pour photographier l’allumage du bûcher.

Nyne Chang devant le bûcher funéraire

Alors que le brasier est de plus en plus intense, je suis autorisée à le rejoindre.

Il m’explique à quel point les gens sont heureux. Cette crémation est extrêmement importante car le moine décédé va maintenant pouvoir exaucer les prières qu’ils ont faites en se recueillant. Il s’avère que le mien se réalisera quelque temps après mon retour.

Demain, une fois que tout le corps sera consumé, les cendres seront placées dans une urne et déposées dans un des bâtiments du temple.

Tous les moines n’ont pas ce privilège, la plupart d’entre eux étant enterrée.

Je remarque la présence de l’animateur et comprend sa tenue blanche : il est chargé d’entretenir le brasier à l’aide d’un jet d’eau.

Je passe un long moment à m’imprégner de l’atmosphère avant de rejoindre Nyne Chang et un de ses amis.

Je m’assied un peu à l’écart. Il n’est en effet pas convenable pour une femme de s’asseoir sur une chaise dans la même pièce ou à proximité d’un moine.

Mon ami semble bénéficier d’une aura particulière, dont je ne suis pas étonnée, auprès des fidèles. Nombre d’entre eux viennent le trouver pour discuter, lui demander conseil, se faire bénir, et se prosternent à terre devant lui. Il fait preuve d’une grande douceur et sollicitude avec chacun d’entre eux.

A l’écart, un autre groupe n’attire aucun fidèle. C’est un groupe de moines thaïlandais à l’abord particulièrement antipathique. Parmi eux se trouve le moine ivre du premier soir. Je trouve son regard particulièrement malsain, et son attitude à mon égard tout autant. Qui se ressemble s’assemble… Une sorte de marabout africain à l’allure particulièrement louche passe une grande partie de son temps avec lui. Celui-ci m’évite depuis qu’il sait que je suis Française et évite systématiquement l’objectif de mon appareil photos, mais Nyne Chang veut absolument une photo de lui et je m’exécute.

La nuit est bien avancée et il est temps pour les moines de commencer à remettre de l’ordre; du moins les plus vaillants d’entre eux comme mon ami !

Arbres avec des branches faites de billets de banque

Un bouddhisme différent.

Le lendemain, Nyne Chang prend quelques heures de repos bien mérité dans son pays natal.

Il m’a proposé de venir mais je n’ai pas osé le suivre, pensant stupidement qu’il n’est pas si facile d’obtenir un visa pour l’autre côté de la frontière.

Je décide d’utiliser les services d’un motard pour me rendre au Wat Doi Din Ti, un superbe temple perché sur un rocher, qu’un ermite a construit seul et que Fabrizio, un Italien rencontré dans le bus pour Mae Hong Son, m’avait lui aussi recommandé.

Après avoir traversé un paisible village fait de maisons en bambous et feuilles séchées, nous arrivons au pied d’un long escalier flanqué de grands nagâs.

Plus haut, un Bouddha debout semble guider les visiteurs.

Après une montée éprouvante à cause de la chaleur, j’arrive à un premier sanctuaire creusé dans la roche. A l’intérieur, un serein Bouddha prenant la terre à témoin repose sur un autel envahi de statuettes, photographies et objets de cérémonie.

Le moine est assis sur une plateforme à l’extérieur, dans une posture de méditation.

Je continue ma rude ascension vers un rocher en équilibre surmonté d’un stûpa. On se demande comment un moine solitaire a pu réaliser une telle oeuvre à un endroit pareil. De là, on domine toute la plaine et on aperçoit au loin la Birmanie. A proximité, de grandes statues en bronze du Bouddha attendent paisiblement les rares visiteurs, alors que les stûpas sont entourés d’une profusion de décorations.

Je redescends après un long moment pour découvrir les maisons sur pilotis des alentours.

A quelques kilomètres de Mae Sot, le temps semble s’être figé…

De retour en ville, je découvre les moines en train de démonter le temple de papier. Cela leur demandera plusieurs jours de travail.

Nyne Chang me présente un de ses amis qui retourne à la vie civile dans la plus grande indifférence. Il entre simplement dans la cellule de Nyne Chang et en ressort avec ses anciens habits civils.

Je discute un long moment avec mon ami.

Il est moine depuis bientôt 5 ans, alors qu’il ne pensait le rester que quelques mois.

Malgré son application dans la pratique religieuse, ce choix a d’abord été dicté par l’intérêt, celui de pouvoir accéder gratuitement aux médicaments.

Il est en effet très malade d’avoir travaillé dans les mines de rubis durant 5 années. Il en est parti sous la contrainte, son dos s’étant fortement déformé à force de porter de lourdes charges. Il s’est même retrouvé totalement paralysé, incapable de bouger, manger ou dormir. Son seul désir était de mourir. Peu à peu, il a pu retrouver sa mobilité, d’abord avec une canne, mais les répercussions sur son coeur et son estomac ne disparaitront jamais.

Mon ami sait qu’il mourra jeune, tout comme son père pêcheur disparu à 34 ans à la suite de la piqûre d’un poisson…

Il aimerait rentrer dans sa province natale mais refuse que sa mère et sa soeur soit au courant de ses problèmes de santé. Tant qu’il n’aura pas suffisamment d’argent pour se soigner et s’occuper de sa famille, il n’y retournera pas, malgré les pleurs quotidiens qu’il entend au téléphone.

Il me raconte sa vie avec le sourire, et je comprends d’autant mieux le profond respect que la plupart des gens lui témoigne.

Il se livre petit à petit, et finit par m’avouer les remarques que son maître lui a faites à mon sujet.

Les traditions birmanes et thaïes étant très différentes, Nyne Chang trouve mes visites normales. En Birmanie, les femmes viennent fleurir et mettre de l’encens dans les cellules. Elles peuvent s’assoir à terre lorsque les moines sont assis dans des fauteuils, la seule règle étant de garder la porte ouverte et ses distances. En Thaïlande, la présence d’une femme est vue d’un très mauvais oeil, d’autant plus si elle est d’une autre culture.

Les moines thaïlandais sont bien souvent d’une exemplarité douteuse et préfèrent accuser leurs homologues étrangers de tous les maux, d’autant qu’ils ne parlent généralement pas anglais et se montrent donc très suspicieux… Le moine d’Umphang qui tenait compagnie à mon ami lors de notre rencontre en est la parfaite illustration. Non seulement il tentait de me draguer maladroitement à chaque fois que nous nous croisions, mais en plus il était violent avec les autres moines et souvent ivre le soir !

Pagode sur un rocher en équilibre au Wat Doi Din Ti près de Mae Sot

Les gens de l’ancien royaume birman de l’Arakan.

Alors que je passe dire au revoir à mon ami pour me diriger vers le sud, il me convainc de m’attarder davantage dans la région pour découvrir les temples des alentours.

Je ne me fais pas prier, appréciant d’apprendre en compagnie si insolite. Jamais en tant que femme je n’aurais pensé être accueillie ainsi par des moines et je ne suis pas pressée de mettre fin à ces moments que je n’oublierai jamais.

Nyne Chang appelle son copain de la veille. Maintenant que celui-ci n’est plus moine, nous pouvons librement louer un scooter et découvrir les environs ensemble.

Nous visitons un premier temple birman. Leur particularité, contrairement à ceux de Thaïlande, c’est que toute l’enceinte est sacrée, même l’extérieur. On doit donc s’y déplacer pieds nus. La partie la plus importante est également interdite aux femmes; il s’agit de l’estrade où reposent les divinités et où les moines officient.

Nous visitons le premier étage, aux murs couverts de mosaïques brillantes et décoré de nombreuses statues de Bouddha en or et en marbre. L’une d’elles a 60 ans, et la plus ancienne 150.

Un vieux moine nous donne sa bénédiction et nous offre un collier de prière, toujours constitué de 108 perles de bois, chiffre sacré pour les Asiatiques mais aussi pour de nombreuses civilisations.

Nous faisons un détour par un temple chinois et le Moei Market avant de nous rendre à Mae Ramat visiter le Wat Don Kaew.

Le village est entouré par les montagnes. Les belles maisons en bois sont fleuries et les rues sont d’une impeccable propreté.

Un singe accueille les visiteurs du temple. Il est habitué à l’homme et me laisse lui toucher les mains sans aucune peur.

Un peu plus loin, les moines creusent le sol pour mettre à jour d’anciens vestiges. Le lieu est vraiment paisible et nous passons un long moment à discuter avec le doyen.

Au retour, la chaleur est propice à une halte rafraîchissante au bord de la rivière.

Pendant que les enfants se baignent dans une eau boueuse, les adultes sont confortablement installés sous des constructions en bambou.

Notre dernière halte me mettra particulièrement mal à l’aise.

Dans un temple en construction, deux moines me harcèlent de questions. Le plus jeune traduit les questions du doyen dans un anglais parfait : combien ai-je dépensé depuis mon arrivée, ai-je fait des donations aux temples, combien je gagne, quelle est la valeur de l’euro. Leurs intentions sont claires : la culture occidentale ne les intéressent absolument pas et ils n’ont qu’une idée en tête : me convaincre de faire une donation. Je refuse poliment en leur expliquant que j’ai passé des instants privilégiés au Wat Aran Ya Khet, ce qui lui a valu ma générosité à diverses reprises…

Le lendemain, j’attends désespérément le copain de Nyne Chang.

Nous sommes sensés rendre le scooter de location et j’ai laissé mon passeport en guise de caution. Impossible donc de partir tant qu’il n’est pas là…

La veille au soir, j’avais eu les plus grosses difficultés à me débarrasser de lui après le restaurant de fondue thaïe, et son attitude au moment de partir m’avait quelque peu inquiétée. « Do you really think you’ll leave tomorrow ? » (penses-tu vraiment que tu partiras demain ?), m’avait-il asséné avec un étrange sourire.

Je rejoins Nyne Chang après la prière; lui aussi est inquiet mais tente de me rassurer. Son copain laisse sonner son téléphone sans répondre. Par la suite, il le coupera même. Nous décidons de nous rendre chez ses parents. Personne ne sait où il a passé la nuit.

J’explique à Nyne Chang qu’il avait tenté de s’incruster dans mon bungalow en prétextant la fermeture de l’étage inférieur de la maison.

Nyne Chang est furieux de cette attitude. Tous deux viennent de l’état birman d’Arakan. C’est une vraie fierté pour mon ami et quelqu’un qui en est originaire est sensé d’après lui se comporter dignement. Bien que calme en apparence, je sens bien qu’il est de plus en plus énervé.

Nous retrouvons le magasin de location et expliquons la situation. La réponse est sans appel : pas de scooter, pas de passeport.

Alors que mon chauffeur avait prétendu travailler ici avant d’entrer au temple, personne ne semble se souvenir de lui. On me conseille d’aller voir la police pour déposer plainte. Je tente une nouvelle fois d’appeler le portable; toujours coupé… De plus en plus en colère, je laisse un nouveau message, menaçant cette fois : je suis avec Nyne Chang et nous allons déposer plainte au commissariat. Mon ami veut même aller voir la police de son pays pour lancer un avis de recherche : il craint que l’ancien moine ne se soit enfui vers la Birmanie pendant la nuit…

Alors que j’entame la discussion avec les policiers, mon téléphone sonne.

Je décroche et entend un grand éclat de rire. C’en est trop pour moi. Je donne le téléphone à Nyne Chang : « parle à ce crétin, car là je vais vraiment m’énerver ».

Le ton de mon ami se fait froid et autoritaire; il est vraiment très en colère : le scooter doit être ramené immédiatement et il ne veut plus jamais croiser son ancien copain. « He’s from Arakan, I’m so sorry. I think he drank all night long. » (il est de l’Arakan, je suis tellement désolé. Je pense qu’il a passé la nuit à boire), passe t’il son temps à dire. « Arakan people are not like that. We are good people. » Alors que mon ami a tout fait pour m’aider à résoudre le problème, il n’éprouve que honte et tristesse pour l’Arakan.

Une matinée riche en émotions… et j’ai encore loupé mon bus !

Une jolie pagode blanche et dorée

Conclusion – Mae Sot thaïlande.

Je suis encore restée quelques jours à Mae Sot pour profiter de la présence de Nyne Chang et de ses amis.

Je l’ai notamment emmené voir ses camarades du temple où il vivait avant Mae Sot. Alors que nous marchions tranquillement pour rejoindre la route et trouver un moyen de locomotion, je l’ai interrogé sur la barrière à l’entrée du village. Il m’a répondu le plus simplement du monde qu’il s’agissait d’un village d’insurgés birmans et qu’on leur interdisait de sortir la nuit.

Au fil des jours, j’ai pu rencontrer d’autres moines birmans. Au début très distants et stricts à mon égard, leur attitude a évolué en une franche camaraderie où certains règles monacales n’avaient plus besoin de s’appliquer.

Pyna Wan Tha, le plus proche ami moine de Nyne Chang, avait quant à lui une vraie passion pour me regarder manger les mets qu’il recevait en offrande. A chaque fois que nous nous voyions, il avait toujours une petite douceur pour moi et voulait absolument que je la mange immédiatement.

Vers la fin de mon séjour, Nyne Chang a été très malade. Pour le soigner, ses amis ont acheté du liquide en perfusion… au marché. J’ai voulu l’emmener dans une clinique privée. Il a refusé. J’ai fini par réussir à le convaincre de venir avec moi à l’hôpital. Malheureusement, ils se sont contentés de lui donner des médicaments contre le mal de tête. Ce n’est qu’au moment de mon départ que Nyne Chang m’a avoué qu’il n’avait pas voulu se rendre à la clinique du fait du prix des soins. J’avais pourtant l’intention de les lui payer et il était trop tard pour différer mon départ, mon vol étant le jour suivant. Je m’en suis beaucoup voulu d’avoir cédé à sa demande d’aller plutôt à l’hôpital. J’aurais peut-être pu lui sauver la vie…

Le soir de mon départ, il m’a offert un bracelet en macramé qu’il a béni puis m’a glissé au poignet. Il a ensuite sorti son bien le plus précieux et le plus cher, un magnifique mala de prière fait de pierres de jade. Après une longue prière, il me l’a offert à la fois pour me protéger et comme gage de son affection. Je l’ai mis autour de mon cou et lui ai promis de le garder toujours sur moi.

A mon retour, j’ai eu des nouvelles de Nyne Chang une première fois, puis une deuxième après un très long moment. Dans ce deuxième mail, il m’a expliqué avoir été très malade et que c’était la cause de son silence. Les semaines ont à nouveau passé. Un jour, alors que je marchais dans mon appartement, mon mala s’est brisé. Au même moment, mon coeur a fait un bond et j’ai eu la conviction que mon ami venait de mourir. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles après ce jour mais je sais qu’il est toujours là, quelque part, veillant sur moi…

J’ai rencontré Nyne Chang en mars 2009 mais je ne l’oublierai jamais.

Je t’aime mon ami, où que tu sois…

Nyne Chang montrant fièrement les sites importants de Birmanie sur une peinture appartenant à Pyna Wan Tha

A votre tour !

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Notes Et Références.

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L’Etat Birman de l’Arakan – Wikipedia

Comment découvrir la Thaïlande hors des sentiers battus à Mae Sot

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